Blog

 

 

A une époque où tous les VIP s'appliquent à répondre avec empressement aux sollicitations du moindre micro qui se tend - nous avions évoqué en son temps Pierre Gattaz répondant avec gourmandise aux questions de Yan Barthès au Petit Journal - je me demande si les communicants ne devraient pas conseiller à leurs clients bavards impénitents le recours à ce nouveau concept de communication, le silence.
J’ignore si Vincent Bolloré a vraiment l’intention de débarrasser Canal + des Guignols, et, s’il l’a, pour quelles raisons profondes.
Ce que je sais, en revanche, c’est qu’en termes de communication, il a, me semble-t-il, commis trois bourdes :
- au moment où il achevait de mettre la main sur Vivendi, donc sur Canal +, il n’aurait jamais dû s’exprimer sur le contenu de la chaîne 1 : ce n’est pas à l’actionnaire de dire ce qu’il en pense, seul l’intéresse le fait de pouvoir développer un projet pour cette chaîne, et la réussite de celui-ci. Et il ne parait pas très avisé d’émettre des critiques sur un produit dont on vient de se rendre acquéreur. D'autant qu’il n’a aucune compétence avérée en terme de programmation télévisuelle.
- il n’aurait jamais dû s’exprimer sur les Guignols pour une autre raison : si lui n’a pas de mémoire, les media en ont et aiment à s’en servir, surtout par rapport aux puissants, il faut bien donner l’impression de son indépendance. D'où cette journée de jeudi 1er juillet durant laquelle tous les media s’en sont donné à cœur-joie en ressortant l’entretien dudit Bolloré…(ce qui a dû l’agacer…)
- enfin, il devrait à la veille d’un Conseil d’Administration, mieux verrouiller la communication du groupe : il n’est pas normal que cette info – vraie ou fausse – ait surgi et enflammé une partie du monde politique et médiatique français pendant 24 heures – surtout à un moment, la veille du référendum en Grèce, où se joue un événement autrement plus important pour l’avenir de tous que la disparition des Guignols.
Tout est rentré dans l’ordre me direz-vous.
Pas si sûr.
Certes, une décision a été prise qui, elle, était bien de la compétence du Conseil, le limogeage du Directeur Général de Canal +, Rodolphe Belmer, dont on peut estimer qu’il n’avait pas su répondre au challenge qui lui était posé, redresser l’audience de Canal + face à la concurrence montante des chaines de la TNT.
Certes, nous avons appris que les Guignols avaient sauvé leur peau, mais personne ne nous garantit leur heure et jour de passage si vraiment Bolloré le veut, il peut trouver la solution adéquate pour une disparition soft, par exemple pour manque d’audience, malgré tout.
En bref, rien ne nous dit que Vincent Bolloré va limiter son rôle à définir le projet et à laisser à ses équipes le soin de le mettre en place. D'autant qu’il semble qu'il ait effectivement une petite tendance à se prendre, parfois, pour un Directeur général.
En tout état de cause, nous pourrions modestement lui conseiller, à l’avenir, de savoir se taire. Parfois, notamment quand il s’écarte de son rôle.
Et, à défaut, de revoir aussi les compétences de son staff en matière de communication.
                                                              ***
Un autre dirigeant, récemment, a failli être la victime de paroles prononcées un jour et que les media auraient pu lui rappeler (mais elles ne l’ont pas fait, impressionnés sans doute par la conviction de l’homme d’entreprise, soucieux de l’avenir de l’entreprise et de ses salariés), c’est Martin Bouygues quand il a renvoyé le très honorable Monsieur Drahi – qui s’y connait beaucoup en Media, il vient de racheter le journal Libération ! - dans ses 22 mètres à l’occasion de sa proposition d’achat de Bouygues Télécom.
« Une entreprise n'est pas une marchandise comme une autre, tout n'est pas à vendre», a-t-il lancé au micro de RTL, au lendemain du rejet de l'offre d'acquisition de sa société.
Nous aurions aimé l’entendre tonner de la sorte quand il a fallu examiner la proposition d’achat d’Alstom par General Electric, il y a quelque temps (oui je sais, personne ne se souvient plus de cette affaire, qui, à mon avis, n’est pas encore finalisée).
Mais dans ce cas-là, Martin Bouygues s'exprimait en actionnaire pressé de se débarrasser d’une entreprise au sein de laquelle personne ne voyait ce qu’il était venu y faire. Pas en créateur et homme d'entreprise.
 
 
1http://www.franceinter.fr/emission-linvite-de7h50-vincent-bollore-les-energies-propres-remplaceront-un-jour-le-nucleaire

 

 

 

Bertrand Lumineau

 

 

 Le conflit Radio France ou quand un joueur de cornet 1 se trompe d’orchestre…


La façon dont les syndicats ont mené leur conflit avec la direction de Radio France révèle un singulier manque de compétences en matière de dialogue social et de négociation : ils se sont proprement encalminés dans un mouvement à la limite de la légalité, se privant d’une nouvelle utilisation de la grève si la suite devait leur être défavorable (et elle le sera forcément en terme d’emploi…).
1- Alors même que cette Direction n’avait pas encore déposé son plan stratégique, comme un seul homme, ces organisations se sont lancées dans une grève reconductible de jour en jour sur la foi d'un article du Canard Enchainé, révélant le coût des travaux du bureau du Président.2
Sauf que la décision des travaux était antérieure à son arrivée et que le surcout n'était certainement pas dû à ses gouts de luxe (en eût-il par ailleurs, ce qui le regarde). Le rapport de l’IGF l’a ensuite épargné.3
De ce fait, tout le monde a compris que les syndicats voulaient d'abord la tête du président. Ce qui n'est jamais la meilleure façon de poser les termes d’une négociation, au contraire, commencer par une épreuve de  force, c’est donner l’impression de partir déjà battu et de jouer à quitte ou double.
Ces organisations croyaient-elles si peu dans la puissance de leurs arguments ?
2- Autre constat pour le moins surprenant : les syndicats, pendant 28 jours, se sont privés d’antenne, outil pourtant idéal pour présenter et défendre leurs positions ? 4
Au moment où s’appuyant sur l’excellente audience des radios du service public ils auraient pu « prendre l’antenne » pour s’exprimer, présenter et défendre leurs positions, prendre les auditeurs et les citoyens à témoin, ils la rendent, l’antenne (aux radios privées qui n’en demandent pas tant,  elles dont l’unique objectif est la part d’audience !), et se privent d’un débat politique (citoyen) qui aurait laissé à chacune des parties prenantes (et par seulement eux et/ou le personnel) la possibilité de faire valoir sa vision d’une radio publique d’état.5
3- Leur appel à une médiation après 3 semaines de conflit a été perçu comme la sanction de l’échec de la grève.
Assez savoureux ou pitoyable le désappointement des leaders syndicaux le vendredi soir, à la lecture des trois pages que le médiateur vient de leur remettre  « Le compte n’y est pas, il reste des points de blocage ». Notamment sur la question des emplois.
Auraient-ils – en plus – confondu médiateur et juge ?
Les syndicats de Radio France (et ceux qui les ont suivis) ont simplement montré qu'à force de fréquenter la maison de la radio, ils tournaient en rond quand autour d'eux le monde bouge, et qu'ils n'étaient plus en phase, donc  ni forcément les meilleurs acteurs, ni même peut-être les meilleurs témoins de leur époque. Ce qui devraient les amener à un brin de modestie, notamment par rapport aux erreurs de leur Président : d’erreurs, ils n’en pas été avares non plus.

Sans doute le président a-t-il mal engagé son affaire de plan stratégique, manque d’expérience, entourage peu au fait de la « culture » de l’entreprise…  Mais que dire des syndicats et de leurs leaders ? Lancés dans une chasse à l’homme, ils ont surtout démontré leur incompétence sur le plan du dialogue social. A la place du personnel frustré de Radio France je leur demanderai aujourd’hui qu’une seule chose : qu’ils partent, qu’ils abandonnent leur mandat, ils ne sont pas de bons leaders, ils ne sont pas de bons managers.

Bertrand Lumineau


1 Allusion à Monsieur Jeanesson, intarissable leader de Sud et joueur de cornet dans l’un des orchestres de Radio France (à ses heures perdues)…
2 Au vrai nous ne les avions jamais entendus protester – ne serait-ce que par une heure de grève contre les dérives du coût des travaux de rénovation de la maison ronde…
3 Certains ont dû penser refaire le coup de l’appartement Le Paon. Mais au sein de l’appareil d’Etat la démocratie a encore son mot à dire.
4 Mais en ont-ils des positions, sinon que rien ne bouge, les personnels font de l'excellent travail - ce qui est vrai, mais ne suffit plus.
5 Ce faisant, adoptant ce comportement schizophrénique, une question se pose : ont-ils rendu l’antenne justement parce qu’ils n’avaient rien à dire ?

 

 

 

Billets récents