Au sujet des seuils...
Je ne voudrais donner l'impression de m'acharner contre M. Gattaz, mais je trouve absurde qu'il accepte de porter la question des seuils sociaux sur la table de la négociation nationale, qui plus est au nom du dialogue social.
Car, derrière cette question des seuils, de quoi est-il question ?
- Des obligations nouvelles qui s’imposent successivement aux entreprises qui atteignent progressivement les seuils de 10, 20, 25, 50 salariés (la CGPME en compte 35, l’Express plus d’une centaine) ?
- Ou, plus prosaïquement, des institutions de représentation du personnel qui effectivement s’imposent au fur et à mesure de l’atteinte de ces seuils ? (relativisons tout de même : l’employeur doit organiser les élections, mais très souvent, il n’y a pas de candidats…)
Faites « seuil sociaux » sur Google et vous aurez la réponse à travers toute une série d’articles qui tournent tous presqu’exclusivement autour de cette question, et très peu des autres obligations, notamment en terme de cotisation. 1(lire notamment ce qu'en écrit le think tank IFRAP sur le sujet, c'est hilarant).
Ainsi, les entreprises auraient peur de leur personnel et de ses représentants, délégués du personnel ou membres du comité d’entreprise, peur des délégués syndicaux ? Et moi qui pensait que les chefs d’entreprise étaient prêts à se confronter à toute sorte de risque ? Tous, sauf celui de discuter avec leur personnel et/ou leur représentants ?
Je pense qu'il serait bien pusillanime - et bien peu "entrepreneur" celui qui s'abstiendrait d'embaucher son vingtième ou son cinquantième salarié de peur de voir s'installer dans sa société quelques délégués du personnel ou un comité d'entreprise. Où est le risque ?
Et doit-on avoir peur des syndicats quand on voit dans quel état ils se trouvent aujourd’hui ?
Je pense qu’au contraire, sur ce thème M. Gattaz devrait être pédagogue, et que son rôle devrait être de convaincre ses pairs petits ou grands de l’apport dans leur entreprise de la représentation du personnel, directe ou par l’intermédiaire des syndicats.
Entendons-nous bien : je ne dis pas qu'on ne doit absolument pas remettre en cause ces institutions représentatives du personnel, mais simplement dans leur forme actuelle qui date...du front populaire...et de la libération ou de 1968…
Sous leur forme actuelle, n'ont- elles pas fait leur temps ? Et ne devraient-elles pas être modernisées, simplifiées, notamment pour éviter l'empilement des concepts néfaste à un vrai dialogue : délégué du personnel, avec titulaires et suppléants, comité d'entreprise, avec titulaires et suppléants, comité de groupe, avec titulaires et suppléants, comité central d'entreprise, comité d'hygiène et des conditions de travail, section syndicale, délégué syndical, central et de site, représentant syndical au comité d'entreprise, (nouveau) représentant syndical, celui de la loi d'août 2008...
Bref, avec tout cet ensemble aux missions qui se recouvrent ou s’interpénètrent, on ne s'étonne pas que ledit dialogue social soit parfois inaudible, et il n’est pas étonnant pas que les syndicats aient perdu de leur efficacité et de leur crédibilité dans leur tentative désespérée de pourvoir tous ces postes par des salariés différents (protection oblige !), malheureusement pas toujours impliqués, pas toujours formés, pas toujours organisés, pas toujours managés.
Ce n’est pas en multipliant les instances qu’on renforcera le poids des organisations syndicales dans ou hors de l’entreprise, mais plutôt en redéfinissant leur statut et en leur donnant la possibilité de disposer de moyens pour jouer leur vrai rôle au service de leurs mandants, pour l’entreprise.
Bertrand Lumineau
1http://www.ifrap.org/Temoignage-d-un-entrepreneur-sur-l-effet-des-seuils-sociaux,14380.html