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Quand la CGT commémore.... - Lettre n°15

mercredi, 29 avril 2015 15:46

 Quand la CGT commémore...1

Nous avons suivi avec intérêt, mais également avec une certaine sidération l’épisode du remplacement à  rebondissement de Monsieur Le Paon par Monsieur Martinez à la tête de la CGT ces dernières semaines.Aujourd’hui, tout va bien, la CGT a retrouvé un secrétaire Général en état de marche, capable de sortir la centrale de son état de léthargie - elle n’est pas « malade » comme l’indique le nouvel homme fort 2.

 Homme fort ? Est-ce bien sûr ?

Ses premières déclarations aux medias ont pour le moins surpris : Philippe Martinez a enfourché un thème original, celui de la réduction du temps de travail, considérant que les français travaillent beaucoup, beaucoup trop (D’ailleurs Le Figaro pense comme lui) : il préconise donc une réduction de l’horaire légal de travail de 35h à 32heures.Il a conscience, sur ce thème, d’être – dit-il - à contre-courant.  

 Monsieur Martinez appuie sa prise de position sur deux arguments. Le premier est séduisant :

 - la réduction du temps de travail de ceux qui en ont (du travail) permettrait de donner du travail à ceux qui n’en ont pas, soit 2.700.000 millions de chômeurs. La recette miracle, en quelque sorte…Sauf que nous avons déjà entendu cela, lors de l’adoption des 35 heures, à la fin des années 90. Le concept était celui du partage du travail, et du partage du salaire  (ce qui n’était pas dit). J’exagère à peine, le politique avait laissé le soin aux partenaires sociaux de régler le point partage du salaire Nous savons ce qu’il en est advenu : l’ensemble des patrons de branches ont accepté une compensation salariale totale.

 Curieusement, la CGT cite les chiffres officiels, ceux de la DARES (la DARES est pourtant une émanation du Ministère du travail !), qui  estime que 350.000 emplois ont été créés grâce aux 35 heures. A cette époque le taux de chômage était de 9,6% de la population active, un peu moins qu’en début 2015.350.000 emplois en 2000 quand le PIB  augmentait de 3,9% en 2000, puis 2% en 2001, et 2 .700.000 en 2015, quand la progression du PIB se traîne loin des chiffres des années du début du siècle (0,3 % en 2012, 0,3% en 2013). Le compte ne semble pas y être…

 Mais Monsieur Martinez avance  un second argument :

 - « Il y a ceux qui ont du travail, qui en souffrent et qui en meurent, et ceux qui n’en ont pas, qui en souffrent et qui en meurent. Nous avons tous besoin de travailler moins pour que davantage de personnes puissent travailler. ». Vision un peu manichéenne, le travail c’est la souffrance. Oui, enfin, pas toujours heureusement.

 Nous comprenons, Monsieur Martinez veut évoquer les risques psycho-sociaux et estime que la réduction du travail est un bon moyen pour lutter contre ces risques. N’est-ce pas un peu court comme argument et Le risque psycho-social est-il soluble dans la durée du travail ?

 Monsieur Martinez ne semble pas comprendre ce qui se passe au sein des entreprises, la souffrance au travail pouvant être le résultat de plusieurs types de facteur (dont la surcharge de travail, certes).

 Au début du siècle, au moment du passage aux 35 heures, personne ne parlait des risques sociaux ou de souffrance au travail. Pourtant, nul doute que cette souffrance, déjà, existait.

 Mais encore à cette époque, n’était-elle pas prise en charge par les organisations syndicales parce qu’immergées, au moins en partie dans les revendications collectives portées par les organisations collectives.

 Aujourd'hui, nous avons le sentiment que la crise et la prééminence de l'économique et du financier ont tétanisé les organisations syndicales, laissant du coup émerger les RPS comme symptôme individualisé du conflit dans l'entreprise."  

 

Au moment où la CGT s’apprête à commémorer le 120ème anniversaire de sa naissance ( !), elle devrait plutôt s’interroger sur sa capacité à agir sur ce risque dans l’entreprise et à l’intégrer comme composante du dialogue social, surtout face aux ambitions refondatrices de Monsieur Gattaz.

 

 Bertrand Lumineau

 

1 Commémore et continue de perdre des plumes aux élections, dans la fonction publique, dans les grandes entreprises, publiques (EDF, SNCF, La Poste) et privées (PSA, ORANGE, AIR-FRANCE).
2 http://www.lemonde.fr/societe/article/2015/02/11/philippe-martinez-la-cgt-n-est-pas-malade_4573955_3224.html.
3 Cet article à consulter de Stéphanie Diallo-Morin : https://www.cadre-dirigeant-magazine.com/manager/ressources-humaines-rh/ces-conflits-qui-se-cachent-dans-les-entreprises/.

 

 

L’autre jour, avec quelques bénévoles de mon association d’anciens, nous préparions une présentation que nous devons faire courant janvier à des élèves de CAP sur le sujet de l’entreprise.

Nous parlions des « devoirs » du chef d’entreprise, de la finalité de son action…A un moment, sur le slide nous avons écrit : « Assurer la pérennité de l’entreprise… ».

J’ai repensé à Alstom, et à la justification donnée par le conseil d'administration de cette société qui, à l’issue de la vente à General Electric et « au vu de la qualité de la transaction élaborée par le PDG »  , veut  récompenser Patrick Kron pour « ..avoir assuré un avenir pérenne à Alstom Energie ».

 

Pérenne…Je ne sais pas si les mots ont un sens, mais Patrick Kron, pour moi, n’a pas assuré un avenir pérenne à Alstom Energie, puisque son projet est de vendre l’activité énergie de cette société. Si nous voulons parler de pérennité, parlons plutôt de celle de GE (qui n’avait pas vraiment besoin de mettre la main sur Alstom pour assurer sa pérennité), mais pas de celle d’Alstom qui, à terme, va disparaître. 

Patrick Kron pourrait prétendre avoir voulu assurer la pérennité de l’activité énergie d’Alstom, en France ou ailleurs, peut-être, ou  la préservation des emplois liés à cette activité. Rendons-lui justice, il ne l’a pas fait, à juste titre puisque son objectif avoué, dans cette opération, était juste de permettre à certains des (gros) actionnaires de sortir d’Alstom – à bonnes conditions, s’entend. 

C’est bien le sens du super bonus que ces mêmes actionnaires ont promis à Patrick Kron s’il conduisait cette opération à terme. Après, Monsieur Kron se fiche comme d’une guigne de l’avenir d’Alstom, toutes branches confondues, il a déjà un mandat d’administrateur chez SANOFI et il a annoncé urbi et orbi qu’il ne resterait pas chez Alstom. On le comprend, piloter 30% d’Alstom ne peut suffire à un homme de son envergure. Ou, traduit plus prosaïquement, il est candidat à un poste encore plus juteux, pardon « rémunérateur » que celui qu’il aura occupé chez Alstom jusqu’à sa disparition.

Mais à ce niveau – il est question de 150.000 actions valorisées au cours actuel à hauteur de plus de 4 millions – on ne peut parler de « bonus », ni de «rémunération », qui sont la contrepartie d’un niveau de performance atteint par l’entreprise, ou du travail fourni pour celle-ci. Là, il s’agit plutôt d’un « cadeau » en récompense de bons et loyaux services à l’égard de quelques-uns, quelques actionnaires.

Le Monde a parlé d’indécence, je souscris tout à fait à ce mot, indécence…

A moins que Patrick Kron ne nous explique prochainement qu’il va allouer cette somme –ainsi que les autres sommes qu’il a tirées de l’attribution de stocks options Alstom - à une fondation quelconque consacrée par exemple à la culture, à la lutte contre les inégalités…

Notons que les quelques medias qui ont traité ce sujet, ne s’y sont pas attardés, préférant parler abondamment d’autres turpitudes.

Quant à Monsieur Gattaz, il n’a pas trouvé le temps de faire le moindre commentaire, trop occupé au dialogue social.

 

Bertrand Lumineau

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