Surprise parce que je ne m’attendais pas à retrouver le représentant de la plus grande organisation d’entreprises françaises participant à ce genre d’émission marquée par l’humour, la causticité, jusqu’à la dérision, l’analyse sans concessions des comportements des acteurs de la vie politique, sociale, artistique.
Il m’a semblé qu’il n’était pas dans son rôle. Même si je comprends qu’à titre personnel il ait souhaité montrer le visage d’un homme simple, empreint d’humour, parfois de modestie, doté d’esprit de répartie, parfois *.
N’était pas dans son rôle non plus son alter ego à la tête de l’organisation des petites et moyennes entreprises, la CGPME, Monsieur Roubaud, le lendemain au micro de RTL : face à Madame Delga, secrétaire d’Etat chargée du Commerce, de l'Artisanat, de la Consommation et de l'Économie sociale et solidaire, il tempêtait contre l’avalanche de textes législatifs ou réglementaires, porteurs de contraintes toujours plus asphyxiantes pour les entreprises. Il menaçait de faire descendre ses mandants dans la rue en guise d’ultime moyen.
Le motif de sa colère était la parution de cette loi - et du décret - obligeant les propriétaires d’entreprise de 250 salariés et moins à informer leurs salariés de leur intention de vendre l’entreprise : les salariés et les clients, prédisait-il, vont partir dès qu’ils vont apprendre le projet de cession de l’entreprise, et je ne retrouverais plus d’acheteurs puisque les plus compétents de mes salariés et l’essentiel de mes meilleurs clients partiront.
Bel hommage rendu aux salariés, bien qu’inattendu, certes, mais argument combien fallacieux sous-tendu par l’idée suivante : moi, propriétaire de l’entreprise, je suis irremplaçable, je suis le seul à pouvoir développer l’activité, la pérenniser, après moi le déluge.
Il doit y avoir un petit moment que Monsieur Roubaud a quitté l’entreprise, sinon il saurait…(mais laissons-le dans l’ignorance) qu’aucun de nous - même lui – quel que soit le poste occupé dans l’entreprise n’est irremplaçable…
Sur le plan de la communication ces deux éminents représentants d’entreprises ne feraient-ils pas fausse route ?
Monsieur Gattaz doit parler de l’entreprise, pas de lui, peu importe qu’il soit gentil ou pas, plein d’humour ou pas.
Monsieur Roubaud émet de mauvais messages : le dialogue social dans la rue, et le secret comme mode de gouvernance… C’est au mieux complètement obsolète.
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Dans le même temps le think tank Entreprise et Personnel sort une note de conjoncture tout à fait intéressante, surtout sur l’image de l’entreprise, et la représentation que les salariés s’en font :
Partant du constat d’une société française « déboussolée, sans projet collectif, une société où le climat social semble ne pas avoir de ligne de force ni d’acteurs en mesure de l’orienter », parlant même « de crise de la citoyenneté », les auteurs constatent que les salariés ont tendance à se « replier » vers l’entreprise, mieux à même que l’Etat ou d’autres acteurs intermédiaires de trouver des solutions à la crise.
Il n’y a plus de temps à perdre : Messieurs Roubaud et Gattaz qui croient eux aussi à l’entreprise auraient tout intérêt à méditer ce constat, et pas seulement dans leur communication, et à agir.
Et ils en ont actuellement l'opportunité puisqu'ils discutent dialogue social avec les organisations de salariés. "Sortir des postures" disent les auteurs de la note Entreprise et Personnel...comme levier de réussite de cette négociation...Allez ! chiche !
Bertrand Lumineau
* mais aussi sans voix quand son interlocuteur plutôt gentil parait le malmener : en contrechamp défile une séquence dans laquelle Gattaz père dit sans ambages que la transmission d'une entreprise à ses descendants n'est pas une bonne chose...
« L’entreprise vue par ses cadres en 8 questions »
Prenez le temps de consulter les résultats de cette enquête réalisée par le club des entrepreneurs...