Je ne suis pas un spécialiste de l'économie, ni du politique, mais je trouve intéressant le débat engagé autour du revenu universel parce qu'au centre de ce débat, il y a la question de la pauvreté, avec tout ce qu'elle charrie de souffrance, d'exclusion, d'injustice.
Lutter contre la pauvreté et chercher à l’éradiquer me paraissent une cause juste.
Toutefois, au sujet du revenu universel, je me pose quelques questions :
- de quelle pauvreté parle-t-on ? la pauvreté monétaire ?
- à combien d’euros par mois commence-t-elle ? 500 €, 700 €, 800 € ?
- sur quel territoire le revenu universel se déploiera-t-il ?
Ce revenu est-il une réponse à l’augmentation inexorable du chômage que prédisent certains ?
Certes, en France et dans certains pays du Sud de l’Europe, le taux de chômage atteint un niveau inquiétant et pérenne. Mais est-ce dû à une soi-disant raréfaction du travail, qui, elle, serait due à la robotisation et aux algorithmes ?
Dans les pays de l'Europe du Nord, en Allemagne, aux USA, qui vivent la même révolution numérique, le chômage est beaucoup plus limité.
Autre point qui peut faire question : si la société attribue aux citoyens un "revenu", faut-il exiger une contrepartie à ce revenu ? Si oui, de quelle nature ? A quoi devra ressembler cette contrepartie ? Dans quel secteur de la vie de la société interviendrait-t-elle ?
Et si le revenu universel doit entraîner une diminution de ceux et celles qui chercheront un travail, est-il sûr que le partage du temps de travail soit également une réponse opportune au chômage ? N'a-t-on pas fait une telle expérience en France, il n’y a pas si longtemps, en instaurant les 35 heures (diminution de 11% du temps de travail) sans conséquence durable (et même immédiat) sur l'emploi ?
Enfin ne serait-il pas temps de s'interroger sur la réintégration dans le concept travail d'une série d'activités qui en sont exclues : travail des enfants à l' école, des jeunes au collège ou en lycée, travaux domestiques (travail quand une personne extérieure à la famille s'y colle, mais non travail quand c'est un membre de la famille qui le fait, la femme le plus souvent), travail d’accompagnement des aidants, travail réalisé bénévolement*. Sans compter toutes les tâches que les organisations ou les entreprises toujours plus numérisées abandonnent aux usagers ou aux clients quand autrefois leurs salariés s’en chargeaient en étant payés.
Peut-on envisager de rémunérer ce travail ?
Et pour rassurer les angoissés de la révolution numérique, l'autre jour, j'entendais un dirigeant d'une mutuelle expliquer comment l'algorithme avait permis de réorganiser l'entreprise en automatisant le travail de liquidation de dossiers et en redéployant les salariés vers des activités d'écoute, de conseils, de services : n'y aurait-il pas là une piste d'amélioration du service, de la qualité, et concomitamment, de l’emploi ?
Depuis la fin des 30 glorieuses, les entreprises passent leur temps à diminuer les effectifs pour gagner en compétitivité. Le résultat est clair : il n’a jamais été autant question de la souffrance au travail, le travail s’est déshumanisé, il a perdu de son sens… (Et le passage aux 35 heures n’a rien arrangé, les entreprises se refusant à embaucher pour compenser le temps disparu puisque le salaire était maintenu, accentuant encore la pression sur leurs salariés).
D'où cette idée, que les entreprises se réorganisent, se restructurent, cette fois en embauchant pour ramener un peu de qualité dans la vie au travail, et faire tomber la pression, dissoudre les tensions...Cela n’aurait-il pas plus de sens que de se doter de Chiefs Officer Happiness ?
Sauf qu'attendre cela des mêmes entreprises qui ont bénéficié de 40 milliards de charges sans contrepartie, c'est sans doute aussi une belle utopie....
Bertrand Lumineau
*et notamment celui fait par la multitude des délégués syndicaux de toute obédience, dont il ne faut pas, du coup, se plaindre s'ils ne sont pas vraiment "professionnels" dans leur pratique ?
Je ne suis pas un spécialiste de l'économie, ni du politique, mais je trouve intéressant le débat engagé autour du revenu universel parce qu'au centre de ce débat, il y a la question de la pauvreté, avec tout ce qu'elle charrie de souffrance, d'exclusion, d'injustice.
Lutter contre la pauvreté et chercher à l’éradiquer me paraissent une cause juste.
Toutefois, au sujet du revenu universel, je me pose quelques questions :
- de quelle pauvreté parle-t-on ? la pauvreté monétaire ?
- à combien d’euros par mois commence-t-elle ? 500 €, 700 €, 800 € ?
- sur quel territoire le revenu universel se déploiera-t-il ?
Ce revenu est-il une réponse à l’augmentation inexorable du chômage que prédisent certains ?
Certes, en France et dans certains pays du Sud de l’Europe, le taux de chômage atteint un niveau inquiétant et pérenne. Mais est-ce dû à une soi-disant raréfaction du travail, qui, elle, serait due à la robotisation et aux algorithmes ?
Dans les pays de l'Europe du Nord, en Allemagne, aux USA, qui vivent la même révolution numérique, le chômage est beaucoup plus limité.
Autre point qui peut faire question : si la société attribue aux citoyens un "revenu", faut-il exiger une contrepartie à ce revenu ? Si oui, de quelle nature ? A quoi devra ressembler cette contrepartie ? Dans quel secteur de la vie de la société interviendrait-t-elle ?
Et si le revenu universel doit entraîner une diminution de ceux et celles qui chercheront un travail, est-il sûr que le partage du temps de travail soit également une réponse opportune au chômage ? N'a-t-on pas fait une telle expérience en France, il n’y a pas si longtemps, en instaurant les 35 heures (diminution de 11% du temps de travail) sans conséquence durable (et même immédiat) sur l'emploi ?
Enfin ne serait-il pas temps de s'interroger sur la réintégration dans le concept travail d'une série d'activités qui en sont exclues : travail des enfants à l' école, des jeunes au collège ou en lycée, travaux domestiques (travail quand une personne extérieure à la famille s'y colle, mais non travail quand c'est un membre de la famille qui le fait, la femme le plus souvent), travail d’accompagnement des aidants, travail réalisé bénévolement*. Sans compter toutes les tâches que les organisations ou les entreprises toujours plus numérisées abandonnent aux usagers ou aux clients quand autrefois leurs salariés s’en chargeaient en étant payés.
Peut-on envisager de rémunérer ce travail ?
Et pour rassurer les angoissés de la révolution numérique, l'autre jour, j'entendais un dirigeant d'une mutuelle expliquer comment l'algorithme avait permis de réorganiser l'entreprise en automatisant le travail de liquidation de dossiers et en redéployant les salariés vers des activités d'écoute, de conseils, de services : n'y aurait-il pas là une piste d'amélioration du service, de la qualité, et concomitamment, de l’emploi ?
Depuis la fin des 30 glorieuses, les entreprises passent leur temps à diminuer les effectifs pour gagner en compétitivité. Le résultat est clair : il n’a jamais été autant question de la souffrance au travail, le travail s’est déshumanisé, il a perdu de son sens… (Et le passage aux 35 heures n’a rien arrangé, les entreprises se refusant à embaucher pour compenser le temps disparu puisque le salaire était maintenu, accentuant encore la pression sur leurs salariés).
D'où cette idée, que les entreprises se réorganisent, se restructurent, cette fois en embauchant pour ramener un peu de qualité dans la vie au travail, et faire tomber la pression, dissoudre les tensions...Cela n’aurait-il pas plus de sens que de se doter de Chiefs Officer Happiness ?
Sauf qu'attendre cela des mêmes entreprises qui ont bénéficié de 40 milliards de charges sans contrepartie, c'est sans doute aussi une belle utopie....
Bertrand Lumineau
*et notamment celui fait par la multitude des délégués syndicaux de toute obédience, dont il ne faut pas, du coup, se plaindre s'ils ne sont pas vraiment "professionnels" dans leur pratique ?