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Si vous allez voir ce film, « La loi du marché », faites bien attention à la dernière partie, celle où Vincent Lindon quitte le bureau où il vient d’assister à l’entretien musclé entre une inspectrice de magasin et une caissière prise la main dans le sac (un « petit » sac : elle a juste rempli sa propre carte de fidélité au lieu de celle des clients). Il sort, pressé, repasse par le vestiaire, vide son casier, s’engouffre dans sa Clio, démarre, s’éloigne, le tout sans un mot, sans parler à personne, toujours filmé de dos, comme une ombre… la scène est tellement surprenante que nous mettons une seconde à comprendre qu’il quitte son job pourtant indispensable à sa survie …
Le cinema aime bien se confronter au « social ». L’année passée, à Cannes, nous avions eu la fable des frères Dardenne ou «  l’impossible solidarité entre salariés » avec Marion Cotillard.
Cette année, nous avons donc le film de Brezé, primé à travers son acteur principal devenu chômeur longue durée, père d’un enfant handicapé, et exclu involontaire puis volontaire de son travail impropre à assurer sa dignité.
Film social,  inventif et juste, dit un critique …
Film social, oui, même si personnellement, je n’ai pas aimé ce film, ne raffolant pas de l’image qu’il donne des « exclus ». Mais je n’en ferai pas le reproche au metteur en scène, entrepreneur courageux . 
Film social, oui, mais pas vraiment inventif, malheureusement.
Film juste, oui, certainement : certaines scènes, notamment celle du départ en retraite avec le pauvre discours du Directeur de magasin, cette autre avec l’employé du Pôle Emploi, gêné d’admettre, oui  faire suivre une formation de grutier à un homme n’ayant jamais mis les pieds sur un chantier était une erreur, ou encore celle qui confronte la jeune « conseillère commerciale » de banque avec ce chômeur longue durée taiseux et légèrement buté… Ou, encore plus tonitruantes, celle du DRH transformé en psychologue de fortune pour convaincre le personnel du magasin que le suicide de leur collègue sur le lieu de travail n’a rien à voir avec le fait de s’être fait lourder pour avoir détourné à son usage personnel quelques bons de réduction remis par les clients – je résume.
Mais ce qui est juste dans ce film, c’est le constat du silence final auquel se trouve acculé Lindon, l’ouvrier, le surveillant, le chômeur…
De ce film, le syndicat n’est pas absent, une seule séquence mais doublement emblématique :
Lindon oppose une fin de non-recevoir au délégué syndical de son ancienne société qui l’exhorte à se joindre à une action collective judiciaire pour obtenir un supplément d’indemnité.
Et ledit délégué est joué par Xavier Mathieu, un des leaders des « Conti »  lors de la fermeture de l’usine CONTINENTAL de Clairoix, qui, lui-même, tente une reconversion personnelle dans le cinéma.
Autre constat, l’impuissance syndicale. Ni la violence (le conflit Conti s’accompagna de violences), ni la négociation, ni le recours juridique ne peuvent masquer ce fait : le syndicalisme est aujourd’hui impuissant à protéger le salarié, réduit à lui-même, à compter sur ses propres forces pour devenir « l’acteur de sa propre carrière »…
                                                                                                                                                  

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Ce film illustre bien l’essoufflement du dialogue social à la française.
Il faut rééquilibrer le rapport de forces entre partenaires sociaux, les organisations syndicales étant affaiblies. Le politique peut les y aider, notamment en durcissant les conditions de la représentativité syndicale  et de validité des accords..
Il faut également rééquilibrer la prise en compte du collectif par rapport à l’individuel. C’est le travail des organisations syndicales, à elles de remettre sur le métier leur logiciel, et leurs modes d’action. Des champs entiers restent à réinvestir, l’organisation du travail, le management, la qualité de vie au travail.
A ces conditions, le dialogue pourra jouer son rôle de régulateur au sein du social.
Bertrand Lumineau

 

 

 

Fléau, dites-vous Monsieur Gattaz ?

dimanche, 13 septembre 2015 18:23

D'un autre fléau l'autre , les 35 heures...

Pour revenir sur ce grand sujet jamais abordé ni rediscuté même par les plus bruyants ne jamais oublier que les organisations patronales et leurs représentants qui considèrent aujourd'hui que les 35 heures sont un si grand malheur ont inexorablement signé en 1999 et 2000 des accords de passage aux 35 heures tout en garantissant aux salariés un maintien de leur salaire pour 39 heures, conduisant à une augmentation automatique de 11% du salaire horaire...Et ce sont eux qui se plaignent du coût du travail ! Reconnaissons qu'ils ont bien contribué à l'augmentation de ce coût également par leur répugnance à imposer une annualisation du temps de travail permise par le législateur ( au moins dans la seconde loi sur les 35 heures...) Mais combien ont préféré rester à une organisation du travail à la semaine comme ils l'avait toujours connue depuis le début de l'industrialisation alors que les conditions de vie ont complètement évolué. C'est aussi ce qui confère au débat sur le travail du dimanche son caractère archaïque 

Comme ils ont aussi largement contribué à cette désaffectation pour le travail : rappelons en effet l'effet dévastateur des JRTT, jours réduction du temps de travail, largement et généreusement distribués par lesdits accords : quand vous accordez une augmentation de 11% du salaire horaire à vos salariés tout en leur accordant 24 JRTT dans l'année, avez-vous le sentiment d'œuvrer pour la valeur travail ? Non bien sûr. 

Certes, à l'époque, cette réforme du temps de travail, voulu par le politique, pouvait être tenue pour une utopie, puisque l'idée était de partager le travail, notamment pour lutter contre le chômage. 

Tout le monde - y compris les organisations syndicales, autres signataires empressés desdits accords - a préféré ne rien partager, et garder le travail à ceux qui en avaient déjà...confortant l'idée d'un chômage - c'est à dire d'un non travail – inéluctable pour les exclus de la formation, et pas forcément détestable pour les mieux indemnisés (dont on peut penser au demeurant qu'ils n'étaient que des chômeurs de transition...).

 

Bertrand Lumineau

Conseil RH

 

 

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