LafargeHolcim...De l’absence de communication par temps de crise...
Vendredi 4 début d’après-midi, je suis juste en train de réfléchir au thème de ma prochaine newsletter, j’hésite encore entre le « Leadership » (je viens juste de terminer un cycle sur le Management organisé dans le cadre du mooc de France Université Numérique, très intéressant), et la « RSE »… quand un banquier de mes proches m’adresse à 17h34, un sms attirant mon attention sur une info qui vient de tomber : « Lafarge et Holcim négocient une fusion pour créer un géant du ciment… » Il ne me faut pas longtemps pour me faire confirmer l’information. Je découvre plus tard le communiqué minimaliste adressé en fin d’après-midi par les deux groupes et repris en interne à l’intention de leurs collaborateurs :
“Holcim confirms that Lafarge and Holcim are in advanced discussions regarding a possible combination. Holcim and Lafarge believe that, given the strong complementary of their portfolio and the cultural proximity between the two companies, there is rationale in considering a potential merger that could deliver significant benefits to customers, employees and shareholders. The discussions are based on principles consistent with a merger of equals which build on the strengths and identifies of the two companies. No agreement has yet been reached and no assurance can be given that these discussions will lead to a definitive agreement. Holcim will inform the public of any material developments in this respect.” (communiqué Holcim).
Jusqu’au lundi 7 matin, officiellement, aucune autre communication1 ne filtre en direction des 130.000 salariés du futur nouveau groupe.
* Une fusion, c’est une opération comme il s’en produit couramment dans le monde du business. Ces jours-ci, Vivendi a annoncé son intention de vendre SFR à Numéricable, SOPRA et STERIA annoncent également leur mariage. Rien à dire. On comprend très bien que la communication soit dirigée principalement vers les actionnaires, les autorités politiques, les clients, les parties prenantes (dans l’ordre). Oui mais, les salariés dans tout cela ? En un communiqué sybillin, leur monde professionnel bascule, ils vont subir un changement majeur dont ils ne peuvent dire comment ils en sortiront. Certes, ils sont satisfaits de lire dans le long communiqué de presse (dans le powerpoint préparé pour les medias2) qu’ils sont membres « d’équipes locales talentueuses, aux compétences et capacités d’innovation reconnues mondialement »… Mais… Comment vont-ils pouvoir travailler demain avec ceux qui sont encore aujourd’hui des concurrents ? Comment peuvent-ils travailler sereinement au quotidien, sachant que la fusion ne sera opérationnelle au mieux qu’à la mi-2015 ? Comment se projeter dans l’avenir puisque que toute fusion de ce type conduit, pays après pays, à des restructurations synonymes de suppressions d’emplois, donc de licenciements, ou de transfert de parties d’entités vers d’autres groupes pour respecter les règles de libre concurrence ? Que leur importe à ce moment précis « l’opportunité de travailler pour un groupe à l’avant-garde de l’industrie des matériaux de construction », « des perspectives de carrière attractives dans un groupe élargi », et la possibilité de « capitaliser sur l’expérience d’un vivier de talents élargi » (ils croyaient déjà en bénéficier de ces opportunités ). A chaud, l’exercice d’explication à leur égard est impossible et on comprend parfaitement le silence assourdissant gardé par les directions de groupe à l’égard de leurs collaborateurs dans les jours suivant l’annonce : au fond, l’opération ne les concerne pas, elle est réalisée pour les « grands actionnaires » (nommément cités dans le communiqué). Mais, très vite, au-delà du « dialogue » avec les représentants du personnel, il va falloir trouver des solutions, de peur d’obérer la suite… * Néanmoins, vivre de tels événements peut être salutaire : comprendre la nature purement juridique du lien avec l’entreprise pour laquelle on travaille. Ce qui lui donne un sens, c’est juste qu’elle est constituée d’humains agissant pour d’autres humains. Dès lors, chacun ne devrait-il pas d'abord se considérer comme acteur de sa carrière et n’attendre de l’entreprise pour laquelle il travaille juste ce qu’elle lui donne, aujourd’hui, et ne pas croire en ses promesses.
Bertrand Lumineau Conseil RH 06 74 23 37 34
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1 Apprécions à sa juste mesure le cynisme, forcément involontaire (« à l’insu de son plein gré" dit-on) de la direction d’Holcim écrivant en substance, le 7, aux collaborateurs que cette fusion n'est finalement que le résultat de leur bon travail.
2 Regardez bien le slide 33, avec une vue de deux usines historiques de chacun des deux groupes, une de Lafarge, l’autre d’Holcim, mais toutes deux en France comme pour accréditer l’idée de la soi-disant proximité de culture entre les deux compagnies ; malheureusement le choix de l’usine d’Holcim est particulièrement malencontreuse, d’une part le nom est erroné, l’usine dont il est question est « Origny Sainte-Benoite », d’autre part, cette usine a été fermée par Holcim juste après la fusion avec le groupe CEDEST en 1994. Lapsus ou communication subliminale ?
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