Je ne devrais peut-être plus lire la presse ou ne plus m’intéresser à ce que racontent les media… Là, encore dans Le Monde du 19 février 2014 (supplément économique), cette info, affolante : « Près de 13 millions de salariés souffrent d’un symptôme de burn-out en Allemagne »… En Allemagne ! Moi qui pensais que ce pays était Cocagne et que tout s’y passait merveilleusement bien…13 millions sur une population active d’environ 43 millions. En France, toujours selon le même journal, il n’y en aurait que 3,2 millions.
Stress au travail, harcèlement, risques psycho-sociaux, burn-out, épuisement au travail, pénibilité, autant de termes nouveaux apparus depuis quelques années dans le champ du monde du travail, révélant que celui-ci ne menace plus seulement l’intégrité physique de ceux qui y consacrent une partie de leur existence mais également leur santé mentale et psychique…. Surfant sur cette nouvelle menace - le risque psycho-social ou RPS - des cabinets « spécialisés » ont vu le jour pour aider les Entreprises à y faire face, d’autres pour juguler la souffrance au travail ou d’autres encore pour répandre les principes du « bien-être au travail ». Les partenaires sociaux eux-mêmes ont suivi : ANI (ANI= Accord National Interprofessionnel) de 2008 sur le stress au travail, ANI de 2010 sur le harcèlement, ANI de 2013 sur la qualité de vie au travail…. Les entreprises ont négocié ou mis en place des plans de prévention… Mais la démarche n’est pas simple…le contexte ne s’y prête guère, la crise de confiance de l’entreprise avec ses salariés s’approfondit de jour en jour, surtout dans ces temps d’annonces répétées de réorganisation, restructurations, plans sociaux. Au sein de l’Entreprise elle-même, les managers ne se sentent pas toujours les mieux placés pour assurer, ni assumer la défense de l’Entreprise, qui les pressurent, les pressent, avant parfois de les remiser - dans le meilleur des cas -, de les recycler dans le cadre d’une rupture conventionnelle, avec ou sans out-placement, voire de les abandonner corps et biens. Le statut de manager n’est plus forcément recherché, la fonction tend à se dévaluer (voir l’absentéisme des cadres). Et les jeunes, ceux de la génération Y, les plus jeunes encore, ceux qui s’avancent, la génération Z, qui - s’ils trouvent un travail - auront leur mot à dire (et nul doute que ce ne sera pas le même que celui des générations précédentes). De la violence au bien-être, certes, les mots exagèrent, ou ceux qui les disent, crise aidant sans doute. A tout prendre, le terme « Qualité de vie au travail » (QVT pour les initiés) qui semble s’imposer aujourd’hui, comme le relèvent justement Christophe Despéries et Ruben Chaumont, auteurs pour La Tribune de l’assurance de l’article « Des Risques Psychosociaux à la Qualité de Vie au Travail : inflexion lexicale ou évolution structurelle ? », marque dans doute une meilleure approche des enjeux qui se jouent-là dans l’entreprise. Surtout quand si certains veulent voir dans « la QVT » l’un des leviers de la performance, gage de compétitivité. Les Entreprises sont partie prenante du contexte social. Mais au cœur de la crise économique et inaptes à défendre une image homogène, elles peinent à agir positivement sur ce contexte social et surtout sur sa représentation par les media omniprésents. Elles disposent déjà de plus de leviers sur les risques liés au travail lui-même (sécurité, pénibilité), et encore plus sur l’organisation du travail : autonomie et responsabilités, par exemple, contribuent à conférer du sens au travail et, en conséquence, augmentent le degré de satisfaction, améliorent la performance des collaborateurs et la compétitivité de l’entreprise. Les modèles encore dominants doivent évoluer. Ce point de l’organisation du travail dans l’Entreprise est essentiel. Mais il ne doit pas faire perdre de vue une autre composante de la vie au travail qui est le vivre ensemble, somme des comportements de tous. L’Entreprise peut également apporter sur ce plan - le savoir-être - à soi-même, aux autres, permettre à chacun de se mieux connaître, de gérer plus efficacement son rapport aux autres. Quelques actions simples, des valeurs, un alignement, une redéfinition du comportement professionnel attendu, un ensemble de règles de bonne conduite, une réévaluation du rôle du manager – plus catalyseur, moins leader - un accompagnement – plus efficace que la formation - des personnes et des équipes… Autant de terrains d’action qui déciblent les individus et permettront à tous de mieux vivre au travail et ailleurs.
Bertrand Lumineau
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