De l'autre côté du miroir n°4

lundi, 03 février 2014 09:13
 
 

Du coup du chapeau à l’éthique


L’épisode de la retraite de Philippe Varin m’a laissé un certain malaise. Voilà pourquoi :
1. Au lieu d’abandonner cette retraite chapeau, à grand renfort de mise en scène médiatique (mais poussé par le Medef), Philippe Varin pouvait 
- Soit quitter immédiatement PSA au lieu d’attendre quelques semaines. Vue la situation, un départ rapide aurait été convenable. En fait, Philippe Varin voulait sans doute rester le temps d’atteindre les 5 années d’ancienneté, temps minimum pour lui permettre de bénéficier de ce chapeau, 
- Soit reprendre une activité professionnelle après avoir quitté PSA. En créant par exemple un cabinet de conseil en stratégie ou une société de gestion, comme certains de ses collègues l’ont fait.
En effet, précisons que pour bénéficier d’une retraite chapeau, il faut liquider sa retraite immédiatement après avoir quitté la société qui y ouvre droit. Si vous reprenez une activité professionnelle, vous en perdez le bénéfice.
Délaissant ainsi le chapeau, PV aurait accrédité l’idée qu’il savait rebondir et prendre de nouveaux risques. Mais on peut comprendre aussi que l’ampleur et l’ingratitude de sa tâche,  pendant 4 ans, l’aient conduit à cesser dorénavant de toute activité professionnelle.

2. Je comprends mal pourquoi cette retraite chapeau a été intégrée au « package » négocié entre Philippe Varin et le Conseil administration de PSA au moment de son embauche.
La retraite chapeau est un élément d’une politique de ressources humaines qui vise à fidéliser les salariés au bénéfice de l’Entreprise : « Restez avec nous jusqu’à votre retraite et vous bénéficierez d’une pension supplémentaire, financée par l’entreprise. ». Bien sûr, ce système bénéficie quasi exclusivement aux cadres dirigeants, rarement à tous les cadres.
Aujourd’hui un tel système est devenu obsolète : quelle entreprise en effet miserait sur une fidélité « jusqu’à la fin de la carrière », y compris de ses cadres ?

Dans ces conditions, l’actionnaire est libre de fixer comme il l’entend les émoluments de son représentant, y compris en lui constituant une retraite, par capitalisation, mais pas avec une retraite chapeau.

Au demeurant, un candidat qui parlerait de retraite chapeau en entretien d’embauche, aurait de grandes chances d’être écarté de la short-list.


3. Enfin, le débat mediatico-politique du 22 novembre a occulté une évidence : un homme comme Philippe Varin n’est pas, à mon sens, un « entrepreneur », et il ne doit pas se confondre avec. Il est plutôt, au sens noble du terme, un « mercenaire ».
Aujourd’hui  la confusion entre les deux termes est l’une des raisons du discrédit que vit l’Entreprise en France.
Car entre ces « patrons » et les jeunes ou moins jeunes créateurs de start-up, les chefs d’entreprise qui investissent leurs propres fonds et, chaque jour, se battent pour en assurer la réussite - et pour des rémunérations qui sont loin d’atteindre celles des collègues de Philippe Varin - parle-t-on des mêmes profils ? Et les risques des uns sont-ils les risques des autres ?
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Le plaidoyer d’Armand Hatschuel dans sa chronique du Monde du 10 décembre dernier m’apparaît donc très pertinent. Il y défend l’idée d’un nouveau statut du chef d’entreprise qui permettrait de clarifier le double rôle de mandataire, représentant les actionnaires, d’une part, et celui de Directeur arbitre des intérêts divers dans l’Entreprise, d’autre part.
Si l’on devait légiférer, ne devrait-ce pas être dans ce domaine, plutôt que de plafonner les rémunérations ? Après, l’actionnaire peut rémunérer comme il l’entend son représentant, avec ou sans discernement, c’est son affaire…
Quitte à revoir, à la baisse, au moins pour un temps, les ambitions de l’Entreprise socialement responsable…

Bertrand Lumineau 

 

 

 

 

 

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