Au sujet de la mobilité

mardi, 03 décembre 2013 11:10
 
 

 

QUELQUES REFLEXIONS SUR LA MOBILITE

De plus en plus les entreprises font appel à la mobilité des salariés, pour faciliter les adaptations des structures industrielles à l’environnement, mais aussi pour permettre à ces salariés de trouver une situation en dehors de ladite entreprise.
Or, les entreprises ne préparant pas souvent à la mobilité interne, comment voudrait-on que la mobilité externe soit quelque chose de naturel ?
Quelles sont les entreprises qui permettent à leurs salariés, par la formation, de s’ouvrir sur d’autres domaines que ceux qui les concernent directement ? Il s’agit de faire un investissement potentiel, sans être certain qu’il servira un jour. Or, pour grand nombre d’entreprises la formation dispensée doit être immédiatement rentable.
On cantonne les gens dans leurs fonctions, voire dans leurs postes, et pendant toutes ces années, ils « désapprennent » tout ce qui n’est pas strictement de leur domaine d’activité. A partir de là, pour eux, la stabilité devient une sécurité. Et tout à coup, on ouvre la porte en leur disant qu’il faut changer de métier, de région, de maison !! Mission très difficile, voire parfois impossible. L’exemple que vous donniez dans votre édito précédent, avec le manager qui avait fait changer de poste 80% en quatre ans, reste certainement assez rare
Les freins à la mobilité sont donc en partie dus à l’entreprise mais certains sont beaucoup plus profonds.
Les freins historiques : On site toujours les USA comme exemple de mobilité. Mais il ne faut pas oublier que si les américains sont plutôt patriotes, il y à peine 150 ans la plupart de leurs ancêtres n’habitaient pas ce pays, et a fortiori la région des USA dans laquelle ils vivent à ce jour. Leur attachement est plus national que régional.
A contrario, en France l’attachement est fortement régional. Même si la Bretagne est française depuis 1532, le Lorraine ne l’est que depuis 1760, Nice depuis 1860, etc….Et je ne parle pas de l’Alsace qui a souvent basculé entre deux nations et où on parle encore de France de l’Intérieur ! D’où les slogans actuels des « bonnets rouges » : « on veut vivre et travailler au pays ! », slogans que l’on étendait déjà en Lorraine lors de la grande crise de la sidérurgie vers la fin des années 70, début 80. Mais pour ces salariés, le pays c’est au maximum la région, mais pas la France.
Les freins culturels : C’est seulement à partir de la deuxième moitié de ma génération que l’on a commencé à comprendre qu’on ne passerait plus forcément sa vie dans la même société ou qu’on ne travaillerait pas forcément dans l’usine où avaient travaillé nos pères. Et je ne suis pas persuadé que ce soit encore passé dans tous les niveaux.
Si l’on constate une assez grande mobilité chez les cadres dirigeants (voir ce que sont devenus bon nombre de membres dirigeants de Holcim France) dès qu’on descend d’un cran, cette mobilité se réduit fortement. Souvenez-vous d’où venaient la grande majorité des cadres du siège (qui, pour certains se sont empressés de retrouver un poste dans leur région d’origine…).
J’ai toujours eu le plus grand mal à faire des mutations province- Paris, comme Paris –province d’ailleurs. Même avec une promotion à la clé. Alors que dire d’une mutation impliquant un changement de vie total pour les ouvriers.
Les freins législatifs : On change de métier, donc de convention collective. Voire de convention collective sans changer de métier (Cedest était à la Métallurgie. Les conventions de la Métallurgie, par exemple, sont départementales ! Or aux USA,  où les conventions ont une durée limitée, même en restant dans le même établissement on sait que tout peut être remis en cause. D’où une plus grande préparation aux changements.
Le sacro-saint CDI, la prime d’ancienneté faite pour fixer les salariés, l’inamovibilité des fonctionnaires, la notion du lieu de travail comme élément essentiel du contrat de travail, etc… sont autant de freins à la mobilité.
J’ai connu le paroxysme, à Nantes, où j’ai été condamné pour avoir déplacé un délégué du personnel de 10 mètres dans le même atelier (bien sûr avec maintien du salaire et du statut), au motif qu’au lieu de porter une blouse il fallait qu’il porte un bleu de travail. Dans l’immobilisme on ne peut guère faire mieux…
Les freins économiques : le travail des conjoints, la désertification industrielle de certaines régions, la propriété immobilière… sont autant d’éléments handicapant la mobilité. La situation matrimoniale qui a changé, peut être également un frein. On embauche un jeune cadre mobile et quelques années après, il ne l’est plus.

 

Gérard Galus

 

 Gérard Galus a occupé des fonctions de DRH, notamment au sein des groupes St Gobain et Holcim

 

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